Mardi, s’ouvrait la première séance de cette XVIIe législature. Bien sûr notre travail parlementaire avait déjà démarré : installation des commissions, auditions, travail en circonscription ; mais aussi retour vers celles et ceux qui ont fait cette élection, dans les urnes, et surtout en s’engageant dans cette campagne imprévue, souvent pour la première fois.
Les 30 juin et 7 juillet dernier, 28 millions de Françaises et de Français ont envoyé un message très clair : nous ne souhaitons pas que notre pays glisse vers l’extrême-droite et ses « valeurs » résolument anti-républicaines. Nous ne nous résoudrons jamais à voir nos services publics s’effondrer. Nous n’accepterons jamais les discours ouvertement racistes au plus haut sommet de l’État. Nous ne nous résoudrons jamais face à l’inaction climatique. Nous savons qu’un autre chemin est possible !
Et pourtant, après des semaines de tergiversations, nous découvrons avec stupéfaction que le président de la République a choisi de nommer un Premier ministre issu du parti de droite arrivé en dernière position du scrutin, et donc minoritaire à l’Assemblée nationale. Un Premier ministre qui n’a jamais porté, ni appelé au front républicain ; qui a fait toute sa carrière au sein d’une famille politique qui ces derniers mois n’a pas brillé pour sa hauteur de vue, et c’est le moins que l’on puisse dire, tant nous avons observé, médusés, leurs turpitudes autour des clés de leur siège politique. Pire, une famille politique dont une partie s’est officiellement et définitivement associée à l’extrême-droite.
Aussi, nous n’attendions pas grand chose de la déclaration de politique générale de ce nouveau Premier ministre. L’absence de vote de confiance du Parlement ne fût pas non plus une surprise. Néanmoins, ce à quoi nous avons assisté, physiquement, au sein de l’hémicycle nouvellement élu, résonne au plus profond de chacune et chacun. Il y a l’image que l’on peut s’en faire, et puis il y a la triste réalité…
Un Premier ministre qui prononce un long discours, imprégné de vieilles certitudes, qui fait appel à la mémoire du Général de Gaulle tout en prenant des responsabilités main dans la main avec l’extrême-droite… Cela dépasse l’entendement !
Un Premier ministre qui salue le travail de sape mené par les gouvernements macronistes qui l’ont précédé, et qui entend mener une politique d’austérité encore plus violente.
Un Premier ministre qui, s’il mentionne l’écologie –rappelons qu’il était complètement absent de la déclaration de politique général de Gabriel Attal…-, ne fait que poursuivre la politique qui a été menée en la matière depuis des années et aboutissant à des reculs massifs sur le climat, l’énergie et l’environnement, en particulier sur l’artificialisation des sols ou la rénovation énergétique.
Un Premier ministre qui lance à la volée une obscure initiative démocratique, alors que nous attendons toujours de pied ferme la publication des cahiers de doléances issus de la crise des gilets jaunes…
Un Premier ministre qui ne parle de santé ou d’éducation qu’en termes de gestion, comme si nous pouvions réparer l’école ou l’hôpital en changeant un boulon par ci par là.
Un Premier ministre qui ne désavoue pas totalement les propos anti-républicains proférés par son ministre de l’Intérieur.
Un Premier ministre qui, a rebours des attentes des Françaises et Français, renonce à remettre rapidement à l’ordre du jour du Parlement, le projet de loi sur la fin de vie, brutalement stoppé par la dissolution à quelques jours de son vote.
Je ne peux pas dire que je sois surprise ou déçue, ni sur la forme, ni sur le fond par cette déclaration. Nous savions déjà que ce gouvernement ne tenait qu’au soutien hypocrite et sans participation du Rassemblement National. Mais observer de si près la concrétisation de la trahison du vote des Françaises et des Français, de mon vote, c’est glaçant.
Comment ne pas s’inquiéter encore davantage en écoutant le discours sinistre de Marine Le Pen : l’entendre parler d’immigration, de ses « lignes rouges » très singulières, aux antipodes des besoins de notre pays, l’imaginer dicter nos politiques publiques en matière d’éducation, de transition écologique, de sécurité intérieure… C’est tout ce contre quoi nous nous sommes engagés, c’est tout ce pourquoi nous nous sommes totalement et pleinement mobilisés !
Et pourtant, du fait du président de la République, force est de constater que c’est exactement ce qui est en train de se produire, sous nos yeux. Un gouvernement complice d’un Rassemblement National qui ne se cache pas de vouloir faire sa loi. Non seulement ce gouvernement n’a aucune assise ou légitimité démocratique mais comme l’a exprimé très justement Cyrielle Chatelain, Présidente de mon groupe politique, « c’est une tâche indélébile » dans l’histoire de notre pays, « une première depuis 1945 qu’un gouvernement bénéficie du soutien de l’extrême-droite ».
C’est avec cette tâche que nous démarrons cette nouvelle législature. À nous donc que revient la tâche d’emprunter un autre chemin, celui d’une véritable démocratie, de la justice sociale et de l’écologie..
Julie Laernoes