Il y a une semaine, sans surprise, François Bayrou est tombé, largement battu à l’Assemblée nationale lors du vote de confiance. Une issue inévitable, tant son passage à Matignon n’aura été qu’un long naufrage. Une démission déguisée, en vérité : lui qui avait tordu la main à Emmanuel Macron pour décrocher la fonction de Premier ministre a fini par comprendre qu’il était incapable de tenir jusqu’en 2027. Comment l’aurait-il pu, quand il ne disposait d’aucune légitimité démocratique, quand son gouvernement ne reposait que sur le pari fragile d’un soutien implicite de l’extrême droite ?
Et au lieu d’avoir le courage de corriger le tir, de se libérer de cette dépendance mortifère à l’extrême droite et de rétablir un véritable barrage républicain tant malmené ces derniers mois, au lieu de tendre la main à la gauche pour bâtir un budget sérieux, équilibré, fondé sur la justice fiscale et climatique, il a préféré fuir ses responsabilités.
Plutôt que d’assumer ses responsabilités, il a choisi de se réfugier dans une tournée médiatique théâtrale, pour dramatiser un déficit de 44 milliards, comme si ce gouffre n’était pas le fruit des politiques menées par son propre camp depuis huit ans. Cadeaux fiscaux aux plus riches, exonérations sans contreparties, politique de l’offre aveugle : voilà les véritables causes de l’affaiblissement de nos finances publiques. Et aujourd’hui, on voudrait faire payer la facture aux Françaises et aux Français les plus modestes, à nos services publics, à nos générations futures.
C’est inacceptable.
Dès lors, il n’y avait évidemment aucune autre solution que de voter contre la confiance. Comment soutenir un Premier ministre qui, pendant neuf mois, n’a cessé d’aller à contre-courant des urgences du pays ?
Un Premier ministre qui a attaqué de front l’écologie, avec l’odieuse loi Duplomb ou encore l’abandon de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Un Premier ministre qui a poursuivi la casse de l’hôpital et de l’école publics.
Un Premier ministre qui a tenu une posture indéfendable dans l’affaire Bétharram.
Un Premier ministre qui, pire encore, a repris les mots et multiplié les courbettes envers l’extrême droite, comme si flatter ces démagogues pouvait freiner leur ascension.
Un Premier ministre enfin, qui n’a rien fait face à l’hécatombe de notre industrie, laissant des bassins d’emplois s’effondrer et des milliers de familles sans perspectives.
Tout cela était insoutenable.
Au-delà du cas de François Bayrou et de son gouvernement, nous le réaffirmons, et nous le réaffirmerons encore : c’est bien Emmanuel Macron qui porte la responsabilité de cette impasse, de cette crise politique, de ce blocage démocratique. Malgré la victoire relative de la gauche et des écologistes l’année dernière, le Président s’obstine encore et toujours à refuser toute cohabitation. Il choisit des Premiers ministres de son idéologie politique, misant sur des accords tacites avec l’extrême droite, plutôt que de reconnaître le verdict des urnes et favoriser un gouvernement de projet, respectueux du pouvoir législatif.
En agissant ainsi, le Président est en train de plonger durablement le pays dans une crise démocratique sans précédent, préférant maintenir son pouvoir plutôt que de respecter la volonté populaire. À quel moment comprendra-t-il que ce pari dangereux risque d’entraîner son propre effondrement et, surtout, une crise de régime sans précédent, ouvrant un boulevard aux populistes ? À quel moment le président retrouvera-t-il un sursaut de lucidité ?
Indéniablement pas aujourd’hui.
Voilà qu’après avoir essayé Michel Barnier, venu de la droite, sans succès, après avoir installé François Bayrou, venu du centre, pour finir par l’échec que l’on connaît, Emmanuel Macron choisit aujourd’hui de recycler son plus proche ministre : Sébastien Lecornu. Comme si la crise que nous vivons n’était qu’un accident de parcours. Comme si huit années d’une politique rejetée par les Françaises et les Français n’appelaient aucun changement de cap.
Ce choix n’est pas un signe d’ouverture. Ce n’est pas une main tendue. C’est une provocation irresponsable, au prix du blocage institutionnel et du chaos démocratique, politique, économique et social.
Tout cela va mal finir, je le crains.
Le pays a véritablement besoin d’air. C’est ce qu’il a encore exprimé mercredi dernier avec la mobilisation « Bloquons tout » : des milliers de citoyennes et de citoyens se sont levés, ensemble, pour manifester leur colère face au déni démocratique du Président Macron et pour dire qu’ils ne veulent plus être celles et ceux qui paient le prix d’une politique qui, depuis huit ans, creuse les déficits au profit des plus fortunés. Et malgré le prisme sécuritaire par lequel certains médias ont voulu caricaturer ce moment, cette journée a été avant tout pacifique et joyeuse, preuve que notre peuple aspire à la justice, à la démocratie et à la dignité.
Ce que la rue a clamé, les urnes l’avaient déjà dit l’été dernier : un véritablement changement de cap démocratique et politique. Un nouveau gouvernement sincère avec le barrage républicain, capable de relancer une démocratie parlementaire vivante, et de bâtir des politiques publiques fondées sur la justice sociale et une répartition plus équitable des efforts. Un gouvernement qui protège les plus modestes au lieu de leur présenter la facture, qui relance notre industrie, qui sauve notre hôpital et notre école, qui engage enfin la transition écologique. Et cette aspiration, nous devons continuer à la porter haut et fort, en nous retrouvant encore plus nombreuses et nombreux le jeudi 18 septembre prochain, lors de la mobilisation de l’intersyndicale.
Si Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu ne l’entendent définitivement pas, et persistent dans cette fuite en avant dangereuse, en niant cette aspiration, pensant pouvoir se maintenir grâce à la complaisance de l’extrême droite, alors ils conduiront la France vers des jours encore plus sombres. Et ils précipiteront non seulement leur propre chute, mais surtout un affaiblissement de nos institutions, au risque d’ouvrir la voie à des dirigeants autoritaires et racistes.
Il ne s’agit pas pour moi ici d’appeler à cette chute. Mais de constater que, dans son obstination, Emmanuel Macron et ses soutiens en créent les conditions, et qu’une telle déflagration emporterait bien plus que la présidence de la République : elle menacerait la stabilité et la sécurité de notre démocratie.