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Budget de la sécurité sociale : pourquoi je me suis abstenue

Hier, 9 décembre, avec le groupe Écologiste et Social, je me suis abstenue sur le vote en deuxième lecture du Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2026. Je veux expliquer ce choix avec honnêteté, parce qu’il n’a rien d’évident. Cela a sûrement été le choix le plus difficile à faire depuis que j’ai été élue députée. Si j’écoutais seulement mon cœur, j’aurais voté contre, résolument contre. Je ne supporte plus de voir comment l’hôpital public a été mis à mal par les exécutifs qui se sont succédés ces dernières années : des soignant·es épuisé·es, des urgences qui débordent, des citoyen·ne·s qui renoncent aux soins faute de moyens ou faute de médecins ; des parents d’adolescents en grande détresse psychiatrique qui se retrouvent sans place, sans solution ; des soignants à qui l’on demande constamment de faire plus avec moins, sans aucune perspective d’amélioration. Rien de cela ne me laisse indifférente, et cette situation me met profondément en colère.

Mais être députée, c’est aussi essayer de prendre de la hauteur et regarder le texte pour ce qu’il est, ce qu’il appelle, ce qu’il évite, dans la situation politique particulière que nous vivons. Depuis le début, avec le groupe Écologiste et Social, nous avons défendu une ligne ferme : le système de santé ne peut plus être la variable d’ajustement de la logique néolibérale du modèle macroniste. Nous avons toujours refusé une nouvelle vague d’économies imposées aux soignants ; toujours refusé une aggravation de l’accès aux soins et des droits sociaux des Français·es.

Le mandat que vous m’avez confié est bien sûr de se battre pied à pied contre les politiques austéritaires et injustes portées par le Président Macron. Mais c’est aussi de tenter de limiter la casse, d’obtenir toutes les améliorations possibles pour nos services publics, les droits sociaux et la réduction des inégalités. Car, disons-le franchement, la copie du PLFSS telle qu’elle nous a été présentée initialement par le gouvernement était un véritable musée des horreurs, et vous avez été nombreux·ses à m’alerter sur ses conséquences. Et justement, nous avons réussi à faire retirer le gel des minimas sociaux et des retraites, à éviter le doublement des franchises médicales, et à supprimer la mesure injuste de cotisations sur les apprentis. Nous avons arraché un léger décalage sur la réforme des retraites, un nouveau congé de naissance, et une amélioration dans le calcul des pensions pour les femmes. Rien de tout cela n’est révolutionnaire, mais ce sont de petites avancées qui n’existaient pas au départ.

Ce qui a pesé le plus dans ma décision, c’est la question des moyens. Et notre groupe a obtenu, au dernier moment, que l’objectif de dépenses de l’assurance maladie soit relevé de 2 à 3 %. Cela signifie que les soignants ne seront pas appelés à faire la même chose avec moins de budget. Ce n’est pas suffisant, mais c’est le signe que nous avons évité un nouveau tour de vis sur l’hôpital public.

Ce texte n’est pas satisfaisant, loin de là. Il reste des éléments extrêmement problématiques : la surtaxe sur les mutuelles, le système de bonus-malus pour les hôpitaux, la tarification à l’acte dans le médico-social. Ce sont des mesures contre lesquelles nous continuerons à nous battre, parce qu’elles sont injustes et parce qu’elles abîment notre modèle social. 

Ce texte ne répond certainement pas à la gravité de la crise sociale et hospitalière qui traverse notre pays. Il ne répare pas les inégalités sociales et l’accès aux soins. Il ne porte pas l’ambition nécessaire pour reconstruire notre santé publique. Mais il faut aussi reconnaître qu’il aurait pu être bien pire.

Mon abstention ne signifie pas que je cautionne ce texte. Elle signifie que je refuse d’effacer les efforts que nous avons obtenus pour limiter la casse. Elle signifie que je ne peux pas voter pour, mais qu’il serait malhonnête de faire comme si rien n’avait changé grâce à notre mobilisation. C’est un vote de lucidité, pas un vote de renoncement. Et c’est aussi un vote de responsabilité : face au contexte politique et budgétaire dans lequel Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu et tous leurs gouvernements ont mis notre pays, je ne veux pas prendre le risque de mettre notre système de santé et de solidarité dans une situation encore plus difficile.

Je continuerai à défendre, coûte que coûte, un système de santé humain, solide, accessible à toutes et tous. Je continuerai à me battre pour que nos soignant·es puissent travailler dignement, et pour que chaque citoyen puisse accéder à des soins de qualité. Ce sont ces convictions qui m’animent, hier comme demain.

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