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Énergie et climat : une PPE pour rien ?

Lundi 4 novembre dernier, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique a lancé une énième concertation de six semaines sur des documents majeurs pour la politique énergétique de notre pays : la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Pour rappel, la PPE est l’outil réglementaire précisant la politique énergétique française pour les dix années à venir, et détaille donc, entre autres, l’accélération à mettre en œuvre sur les énergies renouvelables afin de sortir le pays de sa dépendance aux énergies fossiles. La SNBC, quant à elle, permet de définir la trajectoire d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre françaises, par secteur, pour respecter l’Accord de Paris sur le climat et les objectifs européens.

Le lancement de cette concertation autour de ces deux documents concluent ainsi plus de deux années d’errance et de retard en tout genre des différents gouvernements macronistes en matière de stratégie énergétique et climatique.

Plus de deux ans oui, que l’État aurait dû juridiquement présenter une loi de programmation sur l’énergie et le climat… En vain ! Et ce, malgré la volonté de parlementaires de tous bords, malgré l’initiative de ma proposition de loi qui aurait pu servir de base solide, malgré l’insistance aussi des associations environnementales, et de l’empressement des acteurs économiques et industriels de la transition énergétique.

Il y a eu, certes, des concertations, des groupes de travail nourris par modélisations scientifiques et techniques, mais aucune nouvelle trajectoire fixée démocratiquement par le législateur, pour définir sur le long terme de nouveaux objectifs énergétiques et climatiques qui permettent à la fois de sortir le plus rapidement possible d‘une dépendance délétère aux énergies fossiles et de donner un cadre clair et stable, indispensable aux investissements dans les filières industrielles de la transition énergétique.

Mais voyant arriver la précédente PPE à son terme, ainsi que les éventuelles poursuites à notre encontre de la Commission européenne en raison de notre retard, et face aussi aux désintérêts des investisseurs dans nos filières industrielles des énergies renouvelables, le gouvernement de Michel Barnier s’est donc résolu à présenter une nouvelle PPE/SNBC, en faisant ainsi le choix ne pas la soumettre démocratiquement de loi devant le Parlement…

Nous voilà donc à ce stade, avec cette nouvelle proposition de PPE/SNBC, via une voie moins contraignante que la loi, et sur laquelle chacune et chacun d’entre nous peut s’exprimer “en ligne” jusqu’au 16 décembre. Néanmoins, au regard des précédentes consultations qui n’ont jamais influencé la stratégie énergétique aujourd’hui présentée, rien ne garantit que, cette fois-ci, le gouvernement prendra en compte les avis de nos compatriotes et les contributions des experts et des acteurs engagés.

Sur le fond, rien de nouveau sous le soleil depuis 2022 : un gouvernement toujours aussi obnubilé par le nucléaire – malgré son coût exorbitant, sa forte vulnérabilité, ses déboires, ses dangers, ses déchets et son incapacité à répondre aux défis de l’urgence climatique -, et toujours aussi timoré sur le développement des énergies renouvelables ainsi que les politiques de sobriété et d’efficacité énergétique.

Ce qui me frappe davantage ici, c’est la contradiction totale et les incohérences entre les grandes ambitions affichées par le gouvernement dans cette programmation et les moyens financiers proposés pour en atteindre les objectifs. Comment rester silencieuse à la lecture de ce projet de PPE qui prévoit une ”mobilisation d’investissements importants pour assurer une transition écologique juste en France […], le Fonds chaleur fera l’objet d’un soutien croissant…”, quant en parallèle, dans l’hémicycle, pour le budget 2025, le gouvernement multiplie les coupes budgétaires de l’Etat en faveur de la transition écologique :  Fonds vert pour les collectivités, Fonds chaleur de l’ADEME – finalement sauvé in extremis – ,  le budget de Ma Prime Rénov’ – principale aide à la rénovation énergétique -,  aides à l’achat de véhicules électriques, hausse des taxes sur l’électricité…

Un décalage extrêmement inquiétant qui n’a pas manqué de faire des remous au sein même du gouvernement, puisque la ministre Agnès Pannier-Runacher s’est elle-même agacée de voir les crédits de son ministère réduits dans le projet de loi de finances… Et cela ne risque pas de s’arranger maintenant que le budget est examiné par les sénateurs, à majorité de droite, et qui semblent plus enclins à aggraver la dette des ménages les plus modestes qu’à réduire la dette écologique.

Autre décalage : Michel Barnier a annoncé vouloir revenir à la fois sur le calendrier d’obligations de rénovation des logements en location, et sur le « ZAN », l’objectif de « zéro artificialisation nette » d’ici 2050 qui visait à limiter l’étalement urbain pour protéger la biodiversité. Des annonces absolument choquantes, et qui auront des impacts lourds de conséquences sur nos objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre, sur la biodiversité, sur nos sols et nos puits carbone qui s’effondrent dramatiquement.

En bref, entre la cure d’austérité imposée à l’écologie et les reculs en matière de réglementation environnementale, comment accorder du crédit et de la sincérité à cette stratégie PPE/SNBC ?

Quelle est la ligne du gouvernement ? La ministre de la Transition écologique a-t-elle réellement une conscience écologique et réagira-t-elle avec force face à ces reculs ? Ou sa « frustration » n’était-elle qu’une opération de com’, pour se dédouaner de ses responsabilités ?

Enfin, je m’interroge toujours très sérieusement sur la légitimité démocratique et juridique que peuvent avoir ces SNBC et PPE, en l’absence de loi de programmation énergie-climat. Une interrogation, portée aussi par de nombreux acteurs et juristes engagés dans la transition écologique, qui semble faire aujourd’hui des remous au plus au sommet de l’Etat. En effet, puisqu’une PPE est un décret pris en application de la loi, le gouvernement ne semble pas pouvoir échapper à une loi. Plus de deux ans de retard donc pour finalement devoir revenir à la première étape logique et juridique, et que nous appelons de nos vœux !

Il est temps que les gouvernements sous la tutelle d’Emmanuel Macron sortent de cette impréparation et de cette médiocrité sur ce sujet majeur de la lutte contre le réchauffement climatique.

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