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Face au professeur Philippe Aghion

Philippe Aghion, « grand » penseur de la politique économique d’Emmanuel Macron, est venu présenter sa vision de la croissance et de l’innovation, le 28 octobre dernier, devant notre commission des Affaires économiques. J’ai voulu le mettre face aux limites de son idéologie. Celle d’une croissance qui ferait de l’innovation technologique et du marché les moteurs d’une prospérité sociale compatible avec le capitalisme financier. Et surtout une idéologie de toute croissance qui se heurte à un principe de réalité simple : comment croitre indéfiniment dans un monde aux ressources limitées ?

Ce modèle que défend M. Aghion, c’est celui de nos dirigeants depuis 20 ans : celui qui prétend que croissance et compétitivité produiraient de la justice sociale. Mais ce modèle a échoué : les inégalités se creusent, les services publics s’effritent et les plus riches accumulent les profits, les moyens de production, les ressources écologiques, et polluent à des niveaux indécents. Cette croyance dans le ruissellement et la toute-puissance de l’innovation est aujourd’hui en décalage complet avec la réalité économique, sociale et écologique.

C’est ici que le débat autour de la taxe Zucman prend tout son sens. Cette proposition – un impôt minimal de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros – est souvent caricaturée par ceux qui prétendent qu’elle “affaiblirait” l’économie française.

C’est faux. Elle ne toucherait que quelques familles dans notre pays, mais rapporterait plusieurs milliards d’euros chaque année à l’État et permettrait de financer durablement la rénovation énergétique, la transition écologique, l’école publique ou l’hôpital. Ceux qui s’y opposent expliquent qu’elle ferait fuir les capitaux ou “punirait la réussite”. En réalité, ils défendent surtout un statu quo fiscal injuste, protecteur de la rente, où les grandes fortunes et les multinationales échappent à l’impôt pendant que les classes moyennes et populaires assument seules le financement du bien commun. La France ne s’affaiblirait pas avec cette taxe : elle se renforcerait, en retrouvant le sens de l’équité, de la solidarité et les moyens d’investir pour l’avenir.

Philippe Aghion parle d’innovation et de croissance de manière creuse ; Gabriel Zucman, lui, parle de justice et de responsabilité. Et je le dis clairement : sans redistribution, il n’y a pas de justice ; sans justice, il n’y a pas de cohésion ; et sans cohésion, il n’y aura ni transition, ni avenir commun.

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