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Gouvernement Bayrou : même politique, même censure !

Pourquoi ai-je voté la motion de censure contre le gouvernement de François Bayrou ? 

Depuis la dissolution surprise du 9 juin dernier, notre pays est profondément marqué par une crise politique d’une ampleur sans précédent. Une crise politique grave qui déstabilise et aggrave la crise économique de notre pays, crise politique qui décrédibilise la place de notre pays sur la scène internationale, crise politique qui aggrave la déstabilisation de nos services publics. 

Le 30 juin et 7 juillet dernier, les électrices et électeurs se sont déplacés en masse vers les urnes pour exprimer leur ras-le-bol de la politique menée, et demandé à ce que cela change. Depuis le vote de la motion de censure du 4 décembre, vous êtes nombreuses et nombreux à continuer à demander des changements perceptibles dans la conduite du pays tout en demandant aux responsables politiques de se mettre d’accord pour assurer une forme de stabilité dans notre pays. Deux injonctions qui pourraient s’accorder, si Emmanuel Macron ne s’entêtait pas à poursuivre la politique qu’il a mené jusqu’à présent et qui a été désavouée par vos votes. 

Présentant un budget d’une austérité sans précédent, refusant le dialogue avec les partis de gauche et agissant sous la tutelle de l’extrême droite, la chute du gouvernement Barnier était écrite et logique. Malheureusement le Président de la République n’en n’a pas tiré les leçons, pourtant limpides, et choisi de nommer un Premier Ministre et un gouvernement dans la droite lignée du précédent. Profondément attaché au dialogue, au parlementarisme et à la délibération collective, le groupe Écologiste et Social s’est pour autant saisi de tous les espaces de dialogues pour tenter d’infléchir la ligne politique à laquelle nous semble toujours promis. Ainsi, notre présidente de groupe a rencontré le président de la République pour lui demander de nommer une Première ministre issue du Nouveau Front Populaire. Elle a ensuite participé à de nombreux rendez-vous avec les ministres de l’Economie, des Finances et du Budget. Elle a porté des demandes claires pour plus de justice fiscale, des moyens pour nos hôpitaux, pour nos écoles, pour l’écologie ainsi que l’abrogation de la réforme des retraites. 

Près d’un mois après son arrivée à Matignon, il était donc temps pour François Bayrou de présenter sa politique, à travers son discours de politique générale, ce mardi 14 janvier. 

Sur le fond, comme sur la forme, la déclaration du Premier ministre fût catastrophique. Un discours long et pénible de plus d’une heure et 20 minutes dans lequel il a enchaîné les poncifs, les allégories, des références historiques plus ou moins réussies ou des comparaisons douteuses pour se paver de bonnes intentions sur la plupart des grandes préoccupations qui traversent notre pays. Mais concrètement, il n’y a rien eu, si ce n’est pour au final confirmer qu’avec lui, ce serait le bilan et la continuité de la politique d’Emmanuel Macron, accompagné de concessions odieuses aux thèses et aux termes de la droite extrême et de l’extrême-droite : maintien des intentions austéritaires dans le budget qui mettront à mal nos services publics, nos collectivités territoriales et nos concitoyens les plus modestes ; retour au cumul des mandats ; surenchère toujours plus répressive sur l’immigration. On attendait des annonces sur la justice fiscale, pour notre système de soins, pour notre école, pour l’industrie et l’emploi, conformément aux attentes des Françaises et des Français,  qui, le 7 juillet dernier, ont clairement dit qu’il voulait un changement de politique sur ces grands enjeux. Mais il n’y a rien eu, à un point qui pose question !

Sur les retraites, le Premier ministre a baragouiné une grosse pirouette pour mieux maintenir la réforme d’Elisabeth Borne. Ni annulation, ni abrogation, ni gel, ni suspension mais un audit financier flash de la Cour des comptes et un “conclave” des organisations patronales et professionnelles pour qu’ils s’accordent sur une alternative à la réforme de 2023, sans quoi la réforme s’appliquera. Sérieusement ? Qui peut croire à ce subterfuge ? A quoi sert le Conseil d’orientation des retraites, instance indépendant et pluraliste, si ce n’est justement pour analyser les perspectives financières à moyen et long terme du système des retraites. Un conclave pour mieux redonner la main aux partenaires sociaux et relancer la démocratie sociale ? Non, il ne faut pas s’y méprendre, c’est surtout un moyen pour donner un chèque en blanc au grand patronat. En effet, comment les syndicats et le patronat pourraient-ils se mettre d’accord pour revisiter cette réforme injuste, lors d’une grande conférence sur un temps contraint, à partir du moment où le MEDEF tient bec et oncle à l’âge de départ à 64 ans. Bref, c’est un enfumage en règle ! La seule manière de mettre patronat et syndicats sur un pied d’égalité dans ces négociations est la présentation d’une loi au Parlement, quels que soient les résultats de la discussion de ce conclave.

Plus désastreux et catastrophique encore, François Bayrou a réussi l’exploit de ne jamais mentionner les enjeux climatiques et environnementaux. Rien sur le fait que nous avons franchi le seuil maximal de +1,5°C de réchauffement posé par les Accords de Paris, rien non plus sur les méga feux qui ravagent la Californie. Quant à Mayotte, Monsieur Bayrou semble préoccupé exclusivement par l’immigration, mais aucunement par la vulnérabilité accrue du territoire face aux conséquences du réchauffement climatique. Ce passage sous silence du défi climatique, défi majeur qui conditionnera tous les autres, est absolument scandaleux et extrêmement préoccupant. D’autant plus scandaleux que le Premier ministre a décidé, simultanément dans sa déclaration, de remettre en cause le travail exemplaire et le rôle précieux des agences environnementales de l’Etat telles que l’Ademe ou l’Office français de la biodiversité. 

Le Premier ministre n’aura finalement trouvé qu’une minute trente dans son discours pour parler de “décarbonation”, et surtout faire l’éloge du nucléaire, et nous expliquer que la politique de transition énergétique doit se résumer à l’atome. À l’heure où la Cour des comptes vient de révéler les risques, les coûts et les incertitudes calendaires associés au programme EPR 2, continuer de miser exclusivement sur le nucléaire avec une vision technolo-solutionniste est une folie coupable. Il est urgent que la raison reprenne le dessus sur les fantasmes atomiques du partie de la classe politique.

Pour dire les choses clairement, la méthode et la ligne que propose François Bayrou est simple et lisible : reprendre la route tracée par Michel Barnier, en pire. Dans ces conditions, et ce n’est pas de gaieté de cœur, mais nous n’avons eu d’autre choix que de voter la censure ce jeudi 16 janvier. Nous avions alerté, les mêmes causes produiront les mêmes effets, et le gouvernement n’a donc pas daigné l’entendre.

Aussi, certains d’entre vous me diront que ce n’est pas une surprise. Et à toutes celles et ceux qui s’interrogent, voire dénoncent, le fait que les écologistes aient tenté d’engager des négociations qu’on pouvait considérer comme forcément infructueuses dès le départ, je souhaite dire que face à l’instabilité créé par Emmanuel Macron, face aux urgences économiques, sociales, environnementales et démocratiques, face aussi à la menace grandissante de l’extrême-droite, notre devoir en tant que responsable politique est de faire avancer nos sujets, sur la base du programme et du mandat que vous nous avez confié. C’est la ligne politique que nous tiendrons jusqu’au bout avec les écologistes. Dans un contexte inédit pour la France, où il n’y a toujours pas de budget pour 2025 alors que l’année a commencé et où les crises écologiques s’enchaînent, il fallait tout faire pour avancer, sans aucune naïveté. Nous avons donc notamment tenté de négocier autour des 7 milliards d’euros qui avaient été rabotés pour les politiques écologiques dans le budget de Michel Barnier. En retour, le gouvernement nous a dit pouvoir lâcher 200 millions d’euros. Sérieusement ? Pour améliorer la situation, chacun de nous doit y mettre du sien, de la compréhension mutuelle et du respect. Ce que nous avons fait. Le gouvernement aurait dû en faire autant, mais non. Cette posture, nous ne pouvons pas l’accepter et tant qu’il s’obstinera à ne rien changer, à ne pas bouger, alors nous n’aurons d’autre choix que de continuer à censurer. 

Enfin, pour répondre aux inquiétudes légitimes face à un accroissement de l’instabilité qu’engendrerait une nouvelle censure du gouvernement, je dis ici que la stabilité ne consiste pas à accepter l’inacceptable. Aujourd’hui, l’avenir politique et institutionnel de la France est entre les mains du gouvernement. Nous, nous avons pris nos responsabilités, à lui de prendre les siennes, en proposant à la France un budget qui permette de répondre aux crises industrielle, économique, social et écologique, en respectant la démocratie sociale, la démocratie parlementaire et, enfin, le peuple souverain qui, le 7 juillet, a clairement dit qu’il voulait un changement de politique.

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