Fait marquant et inédit dans la Ve République, la représentation nationale a rejeté la majorité des dispositions du projet de loi gouvernemental de programmation pluriannuelle des finances publiques. Jusqu’alors, le gouvernement avait fait fi des résultats des élections législatives de juin dernier. Usant avec arrogance et mépris de sa majorité relative, passant en force malgré des désaccords répétés avec les différents groupes qui composent l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, il est tombé sur un os.
Nous lui avons rappelé concrètement que la composition de l’Assemblée nationale relève bel et bien du choix des Françaises et des Français qui se sont rendus aux urnes. Il s’agit donc de l’entendre et de le respecter. Il s’agit aussi, pour le président de la République, ses ministres et ses affidés d’entretenir un dialogue parlementaire exigeant ; d’entendre et de s’ouvrir aux propositions, revendications et argumentaires des différents groupes politiques qui forment le paysage politique du pays ; pour tenter de construire des accords sur le fond !
Un gouvernement ubuesque, un rejet inévitable
C’est dans ce contexte que nous avons déposé de nombreux amendements sur ce projet de loi important, qui définit notre trajectoire de dépenses publiques sur 5 ans, afin de l’améliorer, et de faire finalement ce pourquoi nous avons été élus : vous représenter et faire remonter vos préoccupations, celles des collectivités et des corps intermédiaires, pour les traduire dans la loi et servir les intérêts de notre nation. Néanmoins, force est de constater avec regret, que, bien loin de chercher à travailler de manière ouverte et respectueuse, le gouvernement s’oppose systématiquement à nos propositions, allant parfois même jusqu’à dire qu’il les partage sur le fond… tout en les rejetant. Cette situation est totalement ubuesque ! Le rejet en bloc des articles qui composent cette loi nous est donc apparu comme logique, inévitable.
Avant de passer en ce qu’on appelle séance publique (discussion et travail en hémicycle), les propositions et projets de loi sont examinés en commissions. Cette loi budgétaire avait donc déjà été discutée en commission des finances, dans laquelle nous avions proposé de la modifier et de l’enrichir. A ce stade, nous étions déjà nombreuses et nombreux à nous émouvoir de l’absence de vision stratégique de l’État et des trop faibles moyens mis à disposition de nos administrations publiques locales notamment, dans une perspective pluriannuelle.
Aucun outil pour enclencher la planification de la transition écologique
Nous étions également très critiques de l’absence totale de dispositions concrètes pour élaborer l’urgente et indispensable planification de la transition écologique. Un exemple : il est urgent d’accélérer la rénovation thermique des logements et bâtiments, pour laquelle nous avons pris énormément de retard. Un enjeu essentiel dans le contexte de crise énergétique et d’urgence climatique où il nous faut renforcer notre autonomie et faire baisser nos consommations, mais aussi pour répondre à l’impératif social et faire baisser les factures des plus fragiles. Or les aides pour la rénovation fluctuent d’une année à l’autre, les particuliers et les acteurs du secteur, dont les bailleurs et les collectivités, manquent de visibilité et hésitent à engager des investissements massifs. Avec un budget clair et structuré sur plusieurs années, nous donnerions un cadre stable à ces projets, permettant à l’ensemble des parties prenantes d’anticiper, d’acquérir les solutions d’ingénierie et les compétences nécessaires pour atteindre la trajectoire que nous nous sommes fixés. S’il a admis partager le fond de cet amendement, le gouvernement y a pourtant donné un avis défavorable et l’a rejeté. Sans autre raison apparente que le fait qu’une députée de l’opposition l’ait défendu…
Cette loi, nous l’avons donc rejetée, car elle dessine une France dont nous ne voulons pas, privilégiant la rigueur budgétaire contre les besoins d’investissements de notre pays : ni planification, ni écologie, de la régression sociale, des coupes budgétaires dans les services publics et une remise en cause totale de la libre administration des collectivités territoriales… Toutes les associations des collectivités se sont d’ailleurs fermement opposées à un tel texte.
Quand le gouvernement entendra-t-il la voix des Français ?
J’avoue que j’ai du mal à comprendre ce qui peut animer le gouvernement. Pourquoi ne pas discuter, chercher des majorités article par article, entendre les remontées de terrain ? Ce ne sont pas les oppositions qui mettent à mal la souveraineté de notre pays en refusant de voter un texte inadapté aux enjeux actuels. Mais c’est bien le gouvernement qui, en refusant d’ouvrir les yeux, méprise le dialogue parlementaire et refuse d’agir en conséquence. Je le redis, ce rejet d’hier soir n’est finalement pas une surprise. Mais il faut espérer que le gouvernement cessera un jour de s’entêter dans une trajectoire qui n’est bonne pour personne, et qu’il accepte enfin de réellement travailler à l’intérêt commun.
Julie Laernoes