C’est les pieds bien fatigués que je me suis assise dans le train du retour de Paris, après ces trois jours passés au Salon international de l’agriculture, à sillonner les pavillons et allées. Il faut dire qu’il y régnait, en ces fins de vacances scolaires, une ambiance familiale et un soulagement de pouvoir enfin se retrouver… et retrouver le public pour échanger “en vrai”. C’est donc dans un brouhaha général, mêlé d’odeurs de bêtes et de nourriture, que se sont déroulées ces journées bien remplies.
Il faut dire que j’avais un programme bien chargé : en tant que présidente du M.I.N de Nantes métropole (le deuxième marché d’intérêt national de France, après Rungis), plusieurs rendez-vous avaient été organisés dans l’univers de la Fédération des Marchés de Gros. La première occasion pour moi d’échanger avec les autres M.I.N de France sur les grands enjeux auxquels nous sommes confrontés, et sur lesquels il est important d’avancer ensemble : les MIN comme outils de relocalisation de la production et de mise en valeur des circuits courts, le lien avec les acteurs de la restauration et de l’hôtellerie dans nos régions, mais également les enjeux de la transition écologique, allant de la logistique urbaine jusqu’aux énergies renouvelables en passant par la réduction et la valorisation des déchets.
MIN et Terres en Villes
C’est aussi cette occasion que le réseau Terres en Villes avait saisi pour tenir des premiers rendez-vous en physique depuis longtemps. Interconnaissance, enjeux territoriaux partagés, le suivi du réseau national des Plans alimentaires territoriaux, le lien avec les Chambres régionales d’agriculture et la gouvernance ont été au cœur de nos discussions. Avec un constat partagé : la nécessité d’amplifier nos actions sur la question-clé du foncier agricole.
Enfin, cette visite à Paris a aussi été l’occasion d’accompagner Yannick Jadot, notre candidat écologiste à l’élection présidentielle, dans ce moment assez déterminant. Je me souviens de ma découverte du Salon en 2007, accompagnant alors Dominique Voynet. Les rapports entre écologistes et le monde agricole, sous pression productiviste, étaient alors beaucoup plus houleux que ce que j’ai pu observer aujourd’hui…
Autour de Yannick Jadot, consensus sur les grands défis
Cela ne veut pas dire que les fractures ne sont plus du tout présentes. Elles sont encore bien là, mais il existe au moins un consensus global sur les grands défis, absolument vitaux, auxquels nous sommes collectivement confrontés. Nous pouvons donc au moins poser ensemble des perspectives, celles de tenter de tracer des chemins pour les relever. Car la production alimentaire est réellement le trait d’union entre nos sols, notre environnement, notre santé, les questions de justice sociale et d’équité dans l’accès à une alimentation saine et de qualité.
Sans oublier bien entendu la nécessité de ne plus continuer à assister sans agir à la véritable hémorragie que subit le monde agricole (27 fermes ont disparu chaque jour pendant les dix dernières années dans notre pays !), associée à une profonde crise des vocations. Car le maintien d’exploitations agricoles est un enjeu fondamental pour l’Europe et la France, et fondamental aussi pour la préservation de notre environnement. Ces rencontres de terrain ont été l’occasion de favoriser une meilleure compréhension des combats portés par les écologistes, singulièrement pour assurer aux paysans un revenu décent, et contre les traités de libre-échange qui laissent nos agriculteurs en proie à la compétition internationale.
Défense de l’élevage extensif
Au fil des rencontres sur le Salon, j’ai mesuré notamment à quel point l’inquiétude était grande pour l’élevage. Pas pour l’élevage intensif ou industriel, qu’il faut combattre parce qu’il est hors sol, qu’il détruit l’environnement et est vecteur de souffrance animale. Mais pour l’élevage extensif, c’est-à-dire celui qui ne dépend pas de l’importation de tourteau de soja et qui privilégie au contraire la pâture et qui donc maintient nos champs et notre bocage vivants.
J’ai d’ailleurs eu un réel plaisir de retrouver au Salon un éleveur de Plessé en Loire-Atlantique, fier de sa race locale bretonne pie noir, une race ancienne qu’il contribue à préserver, et de goûter à son fameux Gwell de gros-lait (un lait fermenté traditionnel) et de parler avec tous ces acteurs et actrices de terrain, mobilisés pour une autre PAC, et qui ont transformé cette mobilisation en plateforme pour prendre, pour le bien commun, notre destin agricole et alimentaire en main.