Publiée par Alternatiba le 5 novembre 2020
Après l’installation en octobre d’une plateforme de 10 500 m2 à Carquefou, Amazon étend son empire, avec le dévoilement d’un projet de construction d’une centrale de 185 000 m2 à Montbert pour 2021.
Avançant masqué avec des entreprises “prête-noms” pour se voir délivrer des permis de construire, le géant américain du e-commerce compte définitivement imposer aux commerçants et livreurs de la région son modèle économique. Peu implanté dans l’Ouest de la France, Amazon choisit depuis quelques années la Loire-Atlantique pour mener des projets d’installation d’entrepôt. La présence d’une telle entreprise sur notre territoire n’est pas sans conséquences.
Malgré les promesses d’emplois locaux, dans les entrepôts ou pour la livraison, le modèle d’Amazon n’est pas vertueux à l’échelle locale. Les salarié·e·s permanent·e·s, représentent souvent moins de la moitié des effectifs, le reste se composant d’emplois précaires ou de sous-traitance. S’ajoutent à cela des conditions de travail particulièrement pénibles, répétitives, à temps partiel imposé, avec des rémunérations insuffisantes , des syndromes d’épuisements professionnels et des licenciements pour inaptitudes fréquents.
Aux Etats-Unis, l’impact net d’Amazon sur l’emploi (différence entre les emplois crées par Amazon et les emplois détruits dans les magasins traditionnels) aurait atteint près de – 150 000 emplois en 2015 ; soit 1 emploi créé pour 2 à 4 emplois détruits (au 145 800 emplois salariés à plein temps, temps partiel et intérimaires par Amazon pour au minimum 294 574 emplois détruits dans les magasins traditionnels).
Cette tension entre les emplois créés quand Amazon s’installe sur un territoire et les destructions d’emplois suite à l’impact d’Amazon face aux commerçants locaux n’est plus à démontrer. Nous ne pouvons pas nous plaindre de centre-ville déserté, ou faire l’éloge du commerce de proximité, si nous accueillons sur notre territoire une multinationale permettant de presque tout commander en se faisant livrer.
Autre problématique majeure : la standardisation des “comportements clients”. En effet, le modèle d’achat et de livraison continu oblige les entreprises à s’adapter à une concurrence sur les prix et sur les délais. Ce qui relève forcément d’une régression sociale : la valeur des produits à livrer étant revue à la baisse, la seule façon pour un commerce de s’aligner revient à supprimer du personnel. Et pour les entreprises de livraison, dont l’opérateur public La Poste, cela signifie livrer à l’avenir 7 jours sur 7, 365 jours par an, du matin au soir…
« Grâce aux avantages fiscaux accordés, près des trois quarts des bénéfices d’Amazon en Europe n’étaient pas imposés », c’est en ces mots que Margrethe Vestager, la Commissaire européenne à la concurrence, a décrit le rescrit fiscal négocié entre le Luxembourg et Amazon.
En France, Amazon dissimulait en 2017 près de 57 % de son chiffre d’affaires, avec plus de 2,3 milliards d’euros évadés vers les paradis fiscaux. Or la crise actuelle a révélé plus que jamais la nécessité de ressources fiscales pour nos services publics.
Favoriser une multinationale qui n’accepte pas de payer sa juste part d’impôt est une insulte à l’ensemble des soignants qui manquent de moyens pour faire face à la situation de crise sanitaire que nous traversons.
En revanche, les impôts des autres, Amazon sait s’en servir. Les infrastructures routières nécessaires à son implantation avec 220 poids lourds et 3 000 véhicules de livraison par jour entrevus (pour que fonctionne son activité,) seront à la charge des impôts collectifs auxquels la multinationale échappe en partie. Amazon fait peser sa dette sur la collectivité.
Et que dire du bilan carbone ? A l’heure où la prise en compte de l’environnement dans l’économie n’est pas une variable mais une nécessité, Amazon n’est pas vertueux. En juillet 2019, Amazon a ainsi transporté 29 % de produits en plus par avion qu’en 2018. La livraison ultra-rapide, offerte via le service Prime, justifie le développement de l’acheminement des marchandises par avion plutôt que par cargo.
Notre rapport au temps, la nécessité de consommer en quantité et plus rapidement, laisse une emprunte qui détériore l’écosystème… au profit d’un intérêt privé.
Nous demandons donc aux pouvoirs publics d’agir pour que soient préservé l’emploi, les conditions de travail , le commerce de proximité et que puisse avoir lieu la relocalisation de la production et des services. Cela doit passer par le refus de l’arrivée d’Amazon et son monde dans nos territoires !
Tribune collective