La lumière s’allumera-t-elle dans la confection de la loi de programmation énergie climat… l’année qui vient de s’écouler peut nous en faire douter.
Au cours de la dernière année, la crise écologique s’est nettement aggravée. Le gouvernement s’est agité, a gesticulé, commandé des rapports, fait des graphiques, et bien sûr, beaucoup communiqué. Mais pour l’action, nous attendons toujours. Qu’attendent-ils quand nous savons que nous n’avons plus que quelques années pour agir ?
Alors qu’il faudrait créer un véritable élan autour des enjeux climatiques, que les scientifiques partout dans le monde nous exhortent d’agir rapidement, que des solutions à portée de mains existent, le gouvernement poursuit ses calculs politiciens sur le dos du climat, en faisant croire que l’innovation fera le job pendant que nous pourrions continuer de consommer comme avant… “Business as usual” : les entreprises fossoyeuses du climat peuvent dormir tranquilles sous l’ère Macron.
Fraîchement élue, j’avais posé en juillet dernier une question très simple au gouvernement : reprendra-t-il la proposition de certains scientifiques de nommer, (comme pour les catastrophes naturelles), les vagues de chaleur qui déferlent chaque été sur notre pays par le nom de leurs responsables, à commencer par TotalEnergies ? Ce ne fut pas le cas, bien au contraire, le gouvernement a continué de servir les intérêts des géants pétroliers et gaziers au détriment du climat. Faut-il rappeler le projet de port méthanier au Havre pour importer du gaz de schistes américains tout en remplissant allègrement les poches de Monsieur Pouyanné, glissé de manière cavalière dans le premier projet de loi examiné par notre Assemblée ? Faut-il rappeler les articles autorisant la France à lever ses quotas carbone, ou ceux permettant de rouvrir une centrale à charbon, sous couvert de protéger le pouvoir d’achat des français·e·s ?
Je reste ahurie par la dissonance entre les beaux discours du gouvernement et ses actes climaticides. Lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération du nucléaire, j’avais fini par prononcer le mot de « climatonégationnistes » à l’encontre des député·e·s du camp présidentiel. Devant tant de mauvaise foi, je m’inquiète de leur niveau de conscience et de connaissance du dérèglement climatique en cours, de ses origines anthropiques et enfin de la nécessité absolue d’agir. Si le mot les a heurté, rien, absolument rien depuis n’a permis de me donner tort.
Comment, peut-on observer la destruction d’un village des Vosges par un incendie causé par une inhabituelle sécheresse et au même moment, dans l’hémicycle constater l’adoption d’une proposition de loi du groupe Horizons (avec l’aval du gouvernement) pour construire de force une autoroute détruisant zones humides et exploitations agricoles ? C’est une négation totale des enjeux climatiques. C’est irresponsable au regard de l’urgence.
Et pour faire face à cette urgence climatique, l’enjeu de l’énergie représente la pierre angulaire de notre stratégie.
Malheureusement, la séquence parlementaire concernant l’énergie a été régie par un seul mot : désordre. Désordre, parce que nous avons d’abord débattu de textes spécifiques aux énergies renouvelables et au nucléaire, avant de bâtir notre stratégie énergétique de manière cohérente et concertée. Après une valse d’hésitations, la ministre de la Transition énergétique a fini par reconnaître le caractère essentiel d’une loi de programmation sur l’énergie et le climat. Une concertation et 7 groupes de travail ont été mis en place. J’ai pour ma part rejoint le groupe sur l’efficacité énergétique (ou comment planifier structurellement la baisse de notre consommation d’énergie dans les secteurs les plus émetteurs notamment dans le bâti et les transports). Quelle ne fut pas ma déception quand, après de me voir fournir plusieurs sessions de « mise à niveau », de voir notre groupe faire l’impasse sur les transports et préférer doublonner les travaux au Sénat et la mission en cours à l’Assemblée sur la rénovation énergétique… Aucun signal positif d’ouverture vers un travail transpartisan ne nous a été transmis. Dans un tel contexte, comment ne pas mettre toute notre énergie pour essayer de faire entendre raison, de faire passer des propositions concrètes dans cette loi cruciale pour notre avenir ?
Je ne vous cache pas ma surprise, au ministère de la Transition énergétique, mardi dernier, alors que nous faisions un point d’étape commun avec les autres groupes, d’avoir entendu des conclusions qui paraissent fâcheusement écrites d’avance. Un point en particulier semble chiffonner la totalité des parlementaires qui pilotent ces groupes de travail : comment faire correspondre production et consommation énergétique dans notre pays ?
La ministre Agnès Pannier-Runacher a évoqué la nécessité d’aborder en transparence le « mur énergétique ». Et il y a en effet de quoi être très inquiet. Si nous devons cesser de croire que les innovations apporterons une solution magique, il est temps de reconnaître que nous ne pouvons pas continuer à consommer sans limite. Nos ressources ne sont pas illimitées. Prôner à tout va une réindustrialisation et une croissance sans limites dans un monde aux ressources limitées est tout simplement irréaliste.
Nous pourrons projeter de construire tous les EPR qu’on veut, nous nous heurtons à un problème structurel, qu’il faut regarder en face. Parc nucléaire vieillissant et développement bien trop timide des énergies renouvelables : si nous ne réduisons pas notre consommation d’énergie, nous fonçons tout droit vers un « mur énergétique ». Et je crains que même en le rendant transparent, il ne sera pas moins douloureux à prendre.
Nous savons que d’ici 7 ans nous n’avons pas d’autres choix , si nous voulons vraiment infléchir la courbe de nos émissions, que de commencer par réduire drastiquement notre consommation énergétique, dans les bâtiments, mais aussi dans les transports. De manière structurelle, planifiée, organisée.
La question est donc plus que préoccupante. Les alertes de tous les scientifiques s’élèvent, unanimes, répétées, de plus en plus désespérées elles aussi. Pendant ce temps, le camp présidentiel criminalise les militant·e·s écologistes, tente de bâillonner la jeunesse qui se bat tout simplement pour son avenir, et déroule le tapis à Total. Comment ne pas être anxieux dans la période dans laquelle nous vivons ? Comment refouler notre angoisse et colère grandissante devant tant d’inconséquence ? Alors qu’on constate jour après jour le mépris d’une classe dirigeante, « mieux habillée », « plus présentable », qui nous toise de haut et qui se présente comme « responsable » face à une gauche qui serait elle irresponsable.
En tant qu’écologiste, j’oscille chaque jour entre incrédulité, colère, angoisse et détermination. Nous n’avons plus le temps de tergiverser. Il faut agir. Nous le devons à nos enfants. Je le dois à mes enfants. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce combat.