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Transition énergétique : il est urgent de reprendre la main !

Activités en berne, défaillances d’entreprises, projets d’investissements gelés, notamment des collectivités territoriales… : depuis la grenade de la dissolution dégoupillée par Emmanuel Macron, les acteurs économiques et sociaux ne manquent pas d’alerter sur les conséquences économiques et sociales dramatiques de cette instabilité politique et institutionnelle dans laquelle a basculé notre pays.

Néanmoins, un enjeu, pourtant majeur pour le pouvoir d’achat des ménages, pour la compétitivité de nos entreprises, pour l’emploi dans les territoires et pour toutes les transformations technologiques, géostratégiques ou climatiques qui s’imposent à notre société, passe sous les radars des répercussions de la situation politique actuelle. Cet enjeu, c’est celui des politiques publiques relatives à l’énergie et l’indispensable transition de notre système énergétique.

Malgré la forte prise de conscience de la communauté européenne de notre dépendance énergétique et de notre vulnérabilité face aux énergies fossiles – et la nécessité de s’en sevrer -, suscitée avec l’accélération inédites des bouleversements géopolitiques et climatiques depuis 2022, la stratégie énergétique de notre pays n’a aucun cap clair et reste extrêmement confuse. En effet, depuis plusieurs années, l’État tergiverse quant aux objectifs et aux moyens à mettre en œuvre en matière de politique énergétique et refuse toujours de présenter une planification énergétique et climatique digne de ce nom. 

Cette absence de feuille de route claire en matière d’énergie et de climat crée une incertitude pour les acteurs et les industriels de l’énergie, qui est en train de s’accroître dangereusement dans le contexte politique actuel. 

Certes, il y a deux ans et demi, le gouvernement d’Elisabeth Borne avait lancé en grande pompe une planification écologique, censée placer la transition écologique et énergétique au cœur de toutes les décisions politiques. Mais aucun responsable politique n’a incarné, piloté et concrétisé ce plan, malgré le travail précieux d’expertise et de prospective des équipes du Secrétariat général à la planification écologique. En effet, cette planification n’a fait l’objet d’aucune déclinaison législative, réglementaire ou budgétaire ambitieuse et sérieuse. L’absence de loi de programmation énergie-climat illustre parfaitement ces deux années de tergiversations. 

Mais ce n’est pas tout ! Les nouvelles règles européennes du marché de l’électricité ou de développement des équipements stratégiques des filières industrielles, comme le « Net-zero industry act » n’ont toujours pas été transposées en droit français. Une grande partie des décrets d’application de la loi d’accélération des énergies renouvelables, promulguée en mars 2023, se font toujours attendre. Le gouvernement français a eu près de 6 mois de retard pour remettre son Plan national intégré énergie-climat (PNIEC) à la Commission européenne. Aucune réforme du partage de la rente du nucléaire n’a vu le jour, alors que le mécanisme d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH) arrive à son terme d’ici la fin de l’année…

En bref, deux ans d’inertie totale, avec en prime d’innombrables stop-and-go en matière d’investissement public pour la politique de transition énergétique se sont accumulés, notamment dans le secteur du bâtiment, pour les collectivités territoriales et les industries énergétiques. Le ministère de l’Énergie a même fini par passer d’un ministère de plein exercice, à un ministère délégué à l’Écologie, pour finir en petit portefeuille sous le giron du ministère de l’Économie, actant de fait une réorientation de la politique énergétique sur les seuls aspects économiques et financiers, au détriment de l’objectif majeur de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les conséquences de cet abandon des enjeux énergétiques de la classe politique au pouvoir se font déjà ressentir. Les effets sont très concrets ! L’outil industriel national s’effondre, de l’éolien en mer à la biomasse, en passant par le photovoltaïque et les pompes à chaleur ; le déploiement des énergies renouvelables et la rénovation énergétique des logements prend toujours plus de retard ; notre pays perd un peu plus chaque jour de crédibilité et d’influence sur les questions énergétiques à Bruxelles ; et bien sur… nos émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse au troisième trimestre 2024.

Nous nous trouvons sur une pente extrêmement glissante qui devrait susciter un sursaut collectif ! Mais il n’arrive pas… Au contraire, la situation s’aggrave dramatiquement. La confusion et l’inaction se transforment petit à petit en véritable régression. L’instabilité qui a suivi la dissolution remet au centre du jeu la politique politicienne de bas étage qui éclipse, voire dénigre, l’urgence énergétique et climatique au profit de la course à l’extrême droite, et des sempiternels débats autour de la sécurité et de la immigration.

Mais cette course à l’échalote dangereuse derrière des théories fumeuses est aussi bel et bien présente dans les débats autour de l’énergie pour ressusciter le mythe d’une France triomphante en matière d’indépendance et de transition énergétique grâce au nucléaire. En témoignent plusieurs initiatives médiatiques lancées ces dernières semaines par des parlementaires de Les Républicains, et de hauts dirigeants de l’industrie nucléaire pour rallumer cette culture énergétique très française et pro atome, très défavorable aux énergies renouvelables. Ces postures d’offensive extrêmement violente contre les énergies renouvelables de la classe politique de droite et d’extrême-droite, qui nous expliquent qu’il ne faut rien changer, que nous pouvons continuer sur la même voie car nous aurions le nucléaire comme atout, sont irresponsables et extrêmements préjudiciable pour le débat public autour de notre avenir énergétique et climatique. Il convient donc ici de rappeler à ces fauteurs de troubles écologiques la différence entre mix électrique et mix énergétique, qui pour ce dernier, reste encore majoritairement composé d’énergies fossiles et qu’en aucune manière une seule goutte de pétrole ne sera remplacée par un nouvel électron atomique supplémentaire dans les 20 prochaines années. 

Il est urgent de sortir de cette culture énergétique très française, autocentrée autour du nucléaire qui entretient cet immobilisme criant que nous subissions depuis plus de deux ans, pour remettre de la rationalité et de la science dans le débat public, car à ce stade, ce chemin nous mène tout droit à la catastrophe. Le nucléaire ne peut aucunement assurer la réussite de la transition énergétique, tant les limites techniques, industrielles et financières de la filière sont nombreuses, comme l’a encore souligné la Cour des comptes dans un rapport publié il y a quelques jours. D’un autre côté, tous les scientifiques et experts de l’énergie soulignent le rôle crucial des énergies renouvelables pour réussir la transition énergétique et nous exhortent d’accélérer leur déploiement afin de combler notre retard. Ce n’est plus une option. Il en va de notre avenir pour garantir la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, pour assurer notre sécurité d’approvisionnement en énergie des 15 prochaines années, pour les prix, pour les emplois, pour notre dynamisme économique et industriel, pour notre souveraineté et notre positionnement stratégique en Europe. 

Alors que de nombreuses grandes Nations l’ont compris et accélèrent à tout vitesse leur transition énergétique, la France continue de regarder le train passer… Pourtant, face à l’accélération du changement climatique, au tournant géopolitique et aux évolutions dans l’écosystème énergétique mondial qui s’accélèrent avec les manœuvres de Trump et les agressions de Poutine, nous ne pouvons plus nous payer ce luxe de continuer d’être en retrait sur cet enjeu après plus de deux ans d’errance. L’énergie et le climat n’attendront pas la fin de l’instabilité politique ou la prochaine présidentielle de 2027. ll est temps que les pouvoirs publics réagissent et reprennent en main les politiques publiques et industriels de transformation de notre système énergétique !

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