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49.3, motions de censure : la démocratie à l’épreuve de l’Assemblée nationale

Le gouvernement d’Elisabeth Borne n’a pas de majorité au sein de l’Assemblée Nationale. En effet, la coalition des différents partis ayant fait alliance avec Emmanuel Macron n’est forte que de 251 sur 577 députés. Cette situation politique résulte d’un suffrage démocratique : les élections législatives. Ce fait politique ne semble malheureusement pas avoir été intégré par la coalition du Président de la République. Pas plus qu’elle ne se rappelle que le Président de la République ne doit son élection qu’à bon nombre d’électrices/électeurs de gauche, qui ont glissé leur bulletin dans l’urne pour faire barrage à l’extrême-droite de Marine Le Pen, et non en adhésion à son projet politique. 

Les blocages de la culture politique française

C’est une situation politique inédite en France. Elle nécessite de travailler différemment, en créant des coalitions sur des textes. En acceptant d’infléchir sa ligne initiale. En travaillant collectivement à l’intérêt commun. Cela se fait dans de nombreux pays, profondément démocratiques. Mais c’est une pratique assez étrangère à la culture politique française, où souvent la majorité écrase, sans prendre en compte les bonnes remarques ou les visions qui peuvent être portées par d’autres camps. Et visiblement, c’est impossible pour Emmanuel Macron…

Ce budget pour la France est essentiel, pour faire face à la triple crise que nous vivons. En atténuer les effets. C’est dans ce sens que nous avons déposé de nombreux amendements constructifs, fidèles à notre projet politique. 

Le début d’examen des textes a pourtant été riche et qualitatif, ayant permis d’aboutir à des compromis et des avancées adoptées démocratiquement, comme le crédit d’impôt pour les résidents en EHPAD ou la taxation des superdividendes. Puis le gouvernement, au lieu d’entendre et d’infléchir ses positions, a paniqué, perdu pied et décidé de reprendre le contrôle de manière autoritaire en confisquant le vote des parlementaires, et surtout en s’épargnant la contrainte de reprendre les nouvelles contributions. Il a préféré se lancer dans la caricature grossière des oppositions, plutôt que de travailler réellement sur le fond des propositions.

Le 49.3 en panique

Conscient de sa difficulté à obtenir une majorité sur un projet politique de paupérisation de l’État, d’injustice sociale, fiscale et climatique, le gouvernement a décidé de déclencher l’article 49 alinéa 3 de la Constitution sur les projets de loi de finances et de sécurité sociale pour l’année 2023.

Ce choix, certes, lui est offert par nos institutions. Mais il illustre parfaitement bien son incapacité à débattre de manière démocratique et à travailler intelligemment avec la nouvelle représentation nationale (issue du suffrage universel en juin dernier, rappelons-le encore une fois), pour l’intérêt du pays et pour la réussite des défis que nous avons à relever.

Après des heures de travail et d’avancées majeures dans ce budget, le déclenchement du 49-3 balaie d’un revers de la main tout ce travail essentiel. En agissant ainsi, la Première Ministre engage aussi en échange la responsabilité de son gouvernement. C’est donc le choix du gouvernement de décider seul et, par là-même, d’engager sa propre responsabilité.

Comment pouvons-nous alors à ce terme exprimer nos avis sur ces textes ? Par le dépôt de ce qu’on appelle une motion de censure ! En effet, c’est la seule possibilité que nous offre la Constitution pour nous permettre de voter, d’exprimer notre désaccord sur ce passage en force, et bien évidemment sur ces choix budgétaires qui creusent à la fois les inégalités et le déficit public, au profit des grandes fortunes multinationales polluantes.

Le gouvernement s’enferme dans un débat de caricatures et de dénigrement

Le gouvernement et le Président de la République lui-même ont fait beaucoup de cas de cette motion de censure. Attaquer la NUPES, plutôt que de prendre ses propres responsabilités. Mettre dans le même sac le Rassemblement National, avec lequel nous ne partageons absolument aucune valeur, et nos différentes formations politiques est un discours de tactique politicienne qui honnêtement me dégoûte. A ce niveau de responsabilités, plutôt que de travailler au sérieux du projet pour la France, les plus hauts responsables politiques de l’État se complaisent dans la répétition de contre-vérités honteuses. Plutôt que d’avoir l’humilité de reconnaître que, non ils n’ont pas la science infuse, non ils n’ont pas le mandat démocratique pour imposer leurs vues, et que oui, ils doivent tendre leurs mains vers celles et ceux qui travaillent à de réelles propositions… ils s’enferment dans un débat de caricatures et de dénigrements. Je ne crois pas que ce spectacle soit digne de nos responsabilités, ni des enjeux qui sont devant nous.

Aurions-nous préféré pouvoir continuer à travailler sur un texte budgétaire en adéquation avec les besoins de notre pays plutôt que d’être contraints à déposer une motion de censure ? La réponse est évidemment oui ! Avions-nous un autre choix ? Je ne le crois pas !

Notre ligne est claire

Notre ligne est claire : tout au long de ce mandat parlementaire, qui nous réserve encore bien des surprises, nous défendrons le programme commun de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, que nous avons porté pendant les législatives. Nous formerons des alliances et coalitions de projet pour obtenir des avancées sociales et écologiques, ou à l’inverse, si nécessaire, pour contrer des projets auxquels nous n’adhérons pas. Et nous utiliserons aussi tous les outils politiques et législatifs qu’offrent notre République pour contester les politiques gouvernementales qui nous mènent dans le mur, ou pour encourager celles sur lesquels nous pensons pouvoir obtenir un consensus.

Julie Laernoes

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