La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a annoncé attaquer l’État en justice pour défaillance en matière d’hébergement d’urgence. Cette annonce fait suite à de nombreuses alertes des collectifs, associations et élu·e·s locaux qui se mobilisent pour que tout le monde soit mis à l’abri !
Le 28 octobre dernier, avec Sandrine Rousseau et Andy Kerbrat, nous sommes allés à la rencontre d’une association gestionnaire de places d’hébergement d’urgence. Le constat est sans appel : notre système est malade de par son inhumanité et sa déconnexion avec la réalité des acteurs mobilisés sur nos territoires.
Aujourd’hui, en Loire-Atlantique, des femmes qui viennent de donner la vie restent plus de 30 jours en service maternité au CHU de Nantes, faute de places disponibles et adaptées pour les accueillir. De même, le nombre de personnes fragiles à la rue, que ce soit des enfants, des femmes enceintes ou des personnes âgées, ne cesse d’augmenter. Pour beaucoup, la solidarité des citoyen·ne·s de notre territoire est ce qui leur permet de trouver un refuge temporaire, de se nourrir, de se laver et de se vêtir assez chaudement pour cet hiver.
Parmi les absurdités relevées qui expliquent cette situation, les contraintes financières imposées par l’État pèsent pour beaucoup. La convergence tarifaire fixe un coût moyen à la place d’hébergement. Si le budget de l’association dépasse ce coût moyen, l’État coupe la dotation de l’association pour qu’elle s’y contraigne. Ainsi, l’association rencontrée devait choisir quels services fermer mais aussi quel·le·s salarié·e·s licencier pour rentrer dans les clous financiers. Cette situation financière se dégrade encore davantage si l’association loge des personnes en situation irrégulière car elles n’ont pas le droit aux allocations logement (APL), ni de contribuer à la vie du foyer. De même, si une personne avec une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) est logée, la dotation de l’association est également minorée. Sans surprise, mais toujours avec étonnement, nous avons constaté quelques-uns des freins à l’inconditionnalité de l’accueil en France.
Ensuite, le manque de dispositifs d’hébergement et d’accompagnement adaptés aux différentes situations est criant. Le besoin de soins psychiatriques est de plus en plus important mais la coordination entre les différents intervenants est complexe et est souvent entravée à cause de l’incompatibilité des financements.
Pourquoi la plainte contre l’État est importante ?
Cette situation n’est pas conjoncturelle mais systémique. Elle est le résultat d’une politique du chiffre et de néolibéralisation des gouvernements successifs. Pourtant, l’hébergement d’urgence est bien une compétence de l’État. C’est pourquoi le candidat Macron avait promis en 2017 que plus personne ne serait à la rue d’ici la fin de l’année. Il avait oublié de préciser de quelle année et de quelles personnes il s’agissait. Entre-temps, les collectivités et les associations ont pris le relais mais elles sont de plus en plus étouffées financièrement et ne peuvent pas réaliser le travail important de coordination et de planification nécessaire à cette crise humanitaire. Car il s’agit bien d’une crise humanitaire : 620 personnes sont mortes de/à la rue en 2021. Et cela ne s’arrête pas : à Nantes, un homme a perdu la vie la semaine dernière. Dormir à la rue impacte également de manière conséquente la durée de vie : l’espérance de vie moyenne d’un homme SDF est de 49 ans et 5 mois contre 79 ans pour un homme en bonne santé.
Cette plainte se construit sur le même modèle que celle du Maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême, qui avait réussi à faire condamner l’État pour inaction climatique dans les instances judiciaires françaises. Nous espérons que cette plainte aura le même succès, que l’initiative sera rejointe par d’autres villes et qu’elle forcera l’État à assumer ses responsabilités !